L’art de vivre au rythme des étoiles
Rédaction : Raimoana Tchin noa
Le Matari’i i raro, c’est pas juste un mot qu’on entend pendant les cérémonies traditionnelles. C’est un moment fort du calendrier polynésien, un vrai repère saisonnier. Il marque l’entrée dans la saison sèche, celle où les ressources naturelles se font plus rares. On l’associe souvent à une période de disette, mais en réalité, c’est bien plus que ça : c’est un temps de pause, de réflexion, et de respect envers la nature.
Tout commence quand les Pléiades disparaissent du ciel nocturne, généralement vers la fin mai. Les anciens le savaient : quand Matari’i s’éteint, les temps changent. Les fruits deviennent moins abondants, la mer est plus capricieuse, et la nature, elle, se repose. Cette période dure environ 6 mois, soit de mai à novembre, moment où le Matari’i i ni’a refait surface, annonçant le retour de l’abondance.


Une saison qui ralentit le rythme
Durant cette période, les activités ralentissaient. Les Polynésiens vivaient davantage avec prudence. C’était le moment de consommer avec mesure, d’économiser ce que la terre et la mer avaient donné pendant la saison d’abondance précédente, le Matari’i i ni’a. On évitait les excès, on respectait les cycles, et on vivait au rythme de ce que la nature pouvait encore offrir.
Les anciens mettaient aussi en place des rahui, des interdictions temporaires de pêche ou de cueillette pour laisser les écosystèmes se régénérer et se reconstruire.
Plus qu’une disette : un temps de transmission
Mais le Matari’i i raro, ce n’est pas seulement synonyme de manque. C’était aussi un moment précieux pour se retrouver, apprendre, raconter. Les savoirs, les légendes, les techniques étaient transmis entre générations. C’était une saison intérieure, tournée vers l’humain, la mémoire et la sagesse.
Aujourd’hui, cette tradition continue d’être célébrée dans plusieurs communes polynésiennes. Elle nous rappelle que la nature ne donne pas en continu, qu’elle a besoin de répit, tout comme nous.
Le cycle naturel polyésien nous enseigne que la nature, elle aussi, a besoin de se reposer, de se régénérer. C’est une morale qui est aussi là pour rappeler à l’homme que la nature n’est jamais acquise, que le temps de l’abondance (Te Tau ‘Auhune) est précieux mais aussi nécessaire que celui de la disette (Te Tau O’e.)